1. |
||||
Qu’on se le dise, la bêtise
n’est pas le monopole des couillons :
des gens très bien sympathisent
avec ce mal abscons
et même les artistes sont des cons.
Consciencieusement
et sans la moindre inhibition,
ils confirment avec talent
cette lourde réputation,
toute leur vie, tous leurs gestes
en sont la démonstration,
les artistes sont des cons.
Ils cultivent à contrecœur
les affres de la création
prétextant que le bonheur
jugulerait leur production ;
l’« imbécile heureux »
est, pour eux, vulgaire et infécond…
les artistes sont de tristes cons.
Ils ont beau transformer
la boue en or, l’eau en bourbon,
ils méprisent le succès et sa rançon.
L’argent ne rime à rien
qui vaille et, conclusion,
les artistes sont de pauvres cons.
Leur vie est la matière
première de leur inspiration,
l’amour le nerf de guerre
de leur imagination,
l’humanité entière
n’est que de la chair à fiction…
Les artistes sont de sales cons !
Seules les stars sans talent,
les imposteurs impénitents
sont admirables, car
leur art est en argent
comptant,
car leur art est art de vivre,
vivre d’ivresse et de vent
ils ne meurent pas pour un livre,
mais font de leur vie un roman.
Contrairement
à ces joyeux larrons,
les vrais artistes sont maladroits et pâlichons
d’ailleurs leurs contemporains,
alliant bon sens et dérision,
désignent par « l’artiste » le gentil con.
Ils prétendent avec fierté
œuvrer pour d’autres générations,
mais la postérité,
c’est par définition
un peu trop tard pour savourer
éloges et distinctions…
les artistes sont d’impérissables cons !
On pourrait me penser
mû par la frustration,
mais je suis bien placé
pour chanter cette chanson :
je ne suis pas un artiste,
certes, vous avez raison,
mais je suis quand même un con.
La postérité,
la souffrance, la passion
servent surtout à édifier leur illusion.
La création n’est qu’une vaine
et banale occupation,
les artistes sont des cons.
Et d’après les spécialistes,
il semblerait bien qu’on
soient tous un peu artistes dans le fond…
|
||||
2. |
Ma petite amoureuse
02:14
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J’ai une petite amie
plus tendre que la mie
d’un petit pain viennois
au feu de bois.
Mais elle fait la dure
et il faut que j’endure
mille et quelques supplices
pour un délice.
J’ai une dulcinée,
la vie et le ciné-
ma, elle ne fait pas trop
le distinguo.
Mais sa peau est si douce
que ma raison s’émousse
quand son bec abricot
fait des bécots.
J’ai une petite minouche
qui de mon cœur farouche
ne fait qu’une bouchée
amourachée,
puis s’essuie les babines
et laisse ma poitrine
en plan avec, dedans,
un trou béant.
J’ai une petite gonzesse
dont les seins et les fesses
forment un S rempli
de sucreries.
Mais elle fait la moue
et j’en connaîtrai le goût
quand les poules auront des caries
a priori.
Bref,
Ma petite amoureuse
est tendre, abricotée,
gourmande, savoureuse…
en un mot : à croquer.
Mais elle reste chez elle,
et je reste chez moi,
c’est un couple modèle,
modèle « chacun pour soi »,
car elle reste chez elle
et je reste chez moi
à faire des ritournelles
comme en plein célibat.
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3. |
Felix
04:58
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Chômeur polyvalent
cherche emploi saisonnier,
si possible à mi-temps
et télétravaillé.
Salaire suffisant
pour ne pas y penser
plus tickets restaurant
et machine à café.
Compétences notables :
bonhomie naturelle,
honnêteté modulable,
sommeil exceptionnel.
Bonne constitution,
mais incapacité
à la compétition
et à l’autorité.
Si cette annonce vous convainc,
parlons-en autour d’un bon vin,
je serai plus prolixe…
Dès que vous aurez un instant,
venez au bistrot Le Bon Temps
et demandez Felix.
Vieux garçon un peu frêle
cherche profil opposé
pour relations sexuelles,
plus si affinités.
Vous : physique agréable
mental pas compliqué,
expérience souhaitable,
propreté exigée.
Situation maritale
et âge indifférents
si minimum légal
et conjoint non violent.
Préférences horaires :
éviter matinées.
Fréquence : hebdomadaire.
Pied-à-terre apprécié.
Pour toute info supplémentaire,
découvrons-nous au bord d’un verre,
je serai plus prolixe…
Venez tant qu’il y a de la place,
au Bellevue, à la terrasse,
et demandez Felix.
Auteur-compositeur,
mondialement ignoré
recherche producteur
pour beau disque doré.
Objectifs sous-jacents :
sex, drugs, ukulélé
salaire suffisant
et travail saisonnier.
Si les bonnes ondes vous gagnent,
discutons-en donc au champagne,
je serai plus prolixe…
Passez un jour à l’improviste
au petit troquet Les Artistes
et demandez Felix,
Tous les habitués me connaissent
c’est un peu ma deuxième adresse,
j’y suis comme chez moi.
En sirotant mon picon-bière,
je fantasme sur la taulière
et les offres d’emploi.
Le jeudi, c’est karaoké,
je chantonne entre deux hoquets
rengaines et remixes.
Alors
passez avant que passe l’heure
au Rendez-Vous Des Grands Rêveurs
et demandez Felix.
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4. |
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Cappuccino, latte, moka,
pain blanc, pain brun ou ciabatta…
un tablier ceint ma bedaine
dans un restaurant du Mile-End :
je suis bon à rien, touche-à-tout,
bouc-émissaire et bouche trous.
Derrière les fourneaux ardents,
grincent couteaux et fausses dents,
José râle en regardant l’heure,
Rosa raconte ses malheurs...
Quand le patron remue, c’est que
la clientèle fait la queue,
quand le chignon d’Anna cahote
c’est que sont cuites les carottes.
Le rire de Javier fait peur
au turbulent percolateur
et Malika, en un regard,
fait flamber le cours du pourboire !
Elle prodigue sucre, thé,
café, sourire à volonté,
remplit d’ardeur mon ventre vide
et, quand le client se décide,
elle m’écrit des petits mots :
« un grand viennois, deux espressos ».
Cafés bouillants ou crimes froids...
je ferai tout ce qu’elle voudra !
Tandis que le lait chauffe et douc-
-ement se meut, se mue en mousse,
je laisse mes yeux parcourir
la lèvre ourlée, l’onctueux sourire
de ma… de ma… de Malika !...
Cappuccino, latte, moka...
il est grand temps de faire la plonge
et de passer un coup d’éponge
sur les coulées d’arabica.
|
||||
5. |
Du coup
02:20
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|||
J’aime les coups d’inspiration,
les coups de points d’exclamation,
j’aime les couplets qui font des secousses,
les coups d’essai, coups de génie,
les coups de dés, coups de folie,
les coups de chance et les haïkus de pouce,
J’aime les coups d’œil en passant,
les coups de foudre incandescents,
les coups de cœurs, de main, de rein, de rouge...
Des coups, moi j’en ai pris beaucoup,
mais ça n’a rien donné du tout
et ça me fout un méchant coup de blues...
du coup
je rendrai tout, c’est promis, coup pour coup.
J’aime les coups, les coups gagnants,
tant les coups droits et les coups francs,
que les coups fourrés et les coups de coude.
J’aime les courants électriques,
électrochocs et coups de trique,
coups de censure et suspects sur écoute.
J’aime les coups de Trafalgar,
les coups d’État, coups de pétard,
les coups de grâce et les coûte que coûte.
Des coups, j’en ai donné beaucoup,
ça m’a couté la peau du cou,
mais ça ne m’a rien apporté, pantoute !
du coup
je reprends tout, c’est promis, coup pour coup.
J’aime les coups d’inspiration…
|
||||
6. |
||||
Comment faut-il être
pour être comme il faut ?
Comment faut-il être,
ma pauvre Titsoso ?
Faut-il juste paraître ?
Imiter ses héros ?
Apprendre à se connaitre ?
Ou partir en impro
sur « être ou ne pas être » ?...
Moi, je ne sais pas trop.
C’est fou comme c’est chaud
de gommer ses défauts,
c’est chou comme c’est faux
d’avoir l’air comme il faut !
Toi, ça te fait du mal,
tu as du mal, ma So,
à faire, en général,
comme les gens normaux
et malgré moi je râle :
ton mal rallie mes mots.
Mais si c’est comme ça,
soucis, filez fissa !
Si c’est pour avoir mal,
autant être anormale,
et autant que tu sois
vraiment comme il faut pas.
Quand le Vrai parait faux,
la foi une défaite,
fous-toi de ce qu’il faut
et tu seras parfaite.
Puisqu’être c’est déjà
un sacré paramètre,
déjà un but en soi,
contente-toi donc d’être
oui, sois, et tu verras
comme c’est bien d’être toi.
Tous les autres ont la leur,
moi, je sais ta valeur.
Et je sais que tu vaux
bien plus que ce qu’il faut.
Quoique tu ne sois pas
tout à fait « comme il faut »,
malgré quelques faux pas
et quelques porte-à-faux,
les milliers de pourquoi,
les millions de bobos,
les phrases un peu Biba,
les trucs un peu pipo,
les ronces dans ta voix,
les boutons sur ta peau,
avec tes petits doigts
qui cachent des gros mots,
la tristesse et la joie
mélangeant leurs pinceaux,
dans ton grand cœur qui bat
au mépris du tempo,
moi, je garde la foi
en ce que tu es, toi,
ce qu’on sera bientôt,
j’achète tout le lot !
Je te prends comme ça :
tu es ce qu’il me faut.
|
||||
7. |
Riches
03:59
|
|||
Si tu n’as plus un sou
ou si tu croules sous
des millions de soucis,
viens chanter avec nous
et tu reverras tout
ça d’un œil adouci.
Viens, un mal pour un bien...
au moins, quand on n’a rien,
on n’a rien qui nous gêne.
On se moque, on se moque de tout,
on est libre, on est ivre, on est fou,
pour peu que l’on comprenne...
... qu’on est riches, riches, riches,
on est riches, riches de temps.
Vous, combien de vos prétendus riches
pourraient en dire autant ?
On est riches, riches, riches,
on est riches : riches de temps !
Laisse donc les puissants
recompter jusqu’à « sans »
l’intérêt de ce qu’ils font
et se vider de leur sang
précieux en remplissant
de sombres puits sans fond.
Régner, à quoi ça sert
si c’est pour être serf
d’un tyrannique joug ?...
L’argent n’a, l’argent n’a pas d’odeur,
pas de sel, pas la moindre saveur,
ni de valeur, alors que nous...
... on est riches, riches, riches
on est riches, riches en goût !
Goût salé, goût piquant, goût de vivre
sont les piments de notre ragoût,
on est riches, riches, riches,
on est riches : riches en goût.
Riches, on est riches de tous
les principaux atouts,
c’est là, devant nos yeux :
millionnaires en secondes
locataires d’un monde
immense et merveilleux.
Riches, on est riches de tant
de projets palpitants
et d’idées infinies !
Y’en a plein, y’en a trop... servez-vous !
C’est à toi, c’est à moi, c’est à nous,
et ça n’a pas de prix...
on est riches, riches, riches,
on est riches, riches de vie,
oui, de vie et le reste on s’en fiche
tant que notre cœur fait de la batterie,
il nous joue notre tempo fétiche,
il nous pulse la fougue et l’envie,
on est riches, riches, riches
on est riches, riches de vie !
|
||||
8. |
Je ne sais pas
03:55
|
|||
Là-haut, dans l’obscurité immense,
y a-t-il quelqu’un qui regarde en bas,
comptant nos bienfaits et nos offenses ?
Je ne sais pas.
Y a-t-il une force, une onde, un être
qui répond vraiment à nos « pourquoi » ?
qui balaie les « comment », les « peut-être » ?...
Je ne sais pas.
Chacun semble avoir son avis sur
la question et n’en déroge pas ;
pour ma part, une seule chose est sûre :
je ne sais pas.
Mais faut-il que j’arrête
de penser à ça ?
Je ne sais pas.
Là-haut dans l’espace vide et morne,
y a-t-il un début et une fin ?
le néant si on dépasse les bornes ?...
Je n’en sais rien.
Est-ce qu’une équation pleine de science
entre le grand Tout vient faire un lien
pour en démontrer l’insignifiance ?
Je n’en sais rien.
Mais faut-il qu’on arrête
de chercher en vain ?
Je n’en sais rien.
Là-haut tout là-haut, quand on voit luire
dans l’obscurité tous ces éclats,
c’est bien plus excitant de se dire
« je ne sais pas »,
d’admirer cette harmonie céleste
en tâchant que chacun ici-bas
puisse vivre en paix et, quant au reste,
je ne sais pas.
|
||||
9. |
Doudoune
03:41
|
|||
Quelle température !
Tout est froid, blanc et dur,
les trottoirs, les badauds...
mais je sais un lieu sûr,
un petit coin bien chaud.
Si tu es court-vêtue,
si tu gèles, si tu
te sens un peu tristoune,
tu es la bienvenue
au chaud dans ma doudoune !
Un peu seule, un peu nue
Un peu déconvenue
Tu es la bienvenue
au chaud dans ma doudoune.
Dehors, c’est le vacarme,
tout se presse, s’alarme
se combat, se consume,
chacun choisit son arme...
la mienne est faite en plumes.
Vu de sa capuchette,
on se croit sous la couette,
le monde est en cartoon.
Que la vie devient chouette
au chaud dans ma doudoune.
Ma doudoune elle est belle, elle est immunisée
contre la cruauté, la bêtise et le froid.
Il y règne un bonheur microclimatisé ;
elle est douce, câline et j’ai fait, dans la soie,
tout contre ma poitrine,
une place pour toi.
Si tu veux, il y en a
même pour tes copines...
Un peu seules, un peu nues
Un peu déconvenues
Vous êtes bienvenues
au chaud dans ma doudoune.
Pas encore lovée
dans mon suave duvet...
Prends le temps qu’il te faut,
tu sais où me trouver :
moi, je t’attends au chaud.
Prends ton temps oui, mais... bon,
j’ai un peu l’impression
qu’on me prend pour un clown...
et l’été paraît long
au chaud dans ma doudoune.
|
||||
10. |
La glande au boulot
03:59
|
|||
On peut glander au chaud sous la couette,
en terrasse, au bistrot,
sur canapé, planqué aux toilettes,
ou bien les pieds dans l’eau,
mais le plus agréable,
le plus délectable,
et le plus rigolo,
c’est la glande au boulot !
Faire un petit bonhomme
en tordant des trombones,
un super piccolo
en bouchons de stylos,
Wiki, dico, docus,
forums, journaux, revues...
c’est fou, ce qu’on apprend
au boulot en glandant !
Musardant à tout va
on voit d’un œil nouveau,
les impôts, la compta,
les listes de cadeaux,
car, tout ce qui, chez soi,
paraissait un fardeau
devient loisir et joie
quand on glande au boulot.
Certains glandeurs zélés
se portent volontaires
pour glander pendant les
heures supplémentaires,
les plus invétérés
glandent même à foison
à la maison !
Les deux pieds sous la table,
ces êtres infatigables,
continuent de railler
les femmes au foyer,
puis ils vont s’affaler
en soupirant bien haut :
« je n’ai pas arrêté
de glander au boulot. »
Larbin, patron, comptable, actionnaire,
à tous les niveaux,
chacun son style, chacun sa manière,
mais chacun s’en prévaut
et sept jours par semaine
les chômeurs se démènent
pour goûter à nouveau
à la glande au boulot.
Contemplation béate,
c’est la glande spartiate ;
démineur, dame de pique
c’est la technologique.
Le plaisir s’assortit
d’un parfum d’interdit
avec l’honneur en outre
d’être payé à rien foutre.
Que les heures sont brèves !
Quand la glande s’achève,
on se colle au taf et
c’est la pause-café.
Oh ! Même les vacances
n’ont pas le doux culot
ni la noble apparence
de la glande au boulot.
Les glandeurs engagés
soutiennent mordicus
que l’excès de congés
corrompt le processus.
Ils clament enragés
qu’il faut travailler plus
pour glander plus.
Ces bourreaux de travail
retrouvent leur marmaille
en faisant la critique
de la Fonction Publique,
puis ils vont s’affaler
en soupirant bien haut :
« je n’ai pas arrêté
de glander au boulot. »
|
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11. |
La bise à Lisa
04:16
|
|||
Assis à mon bureau douillet,
je glandouillais,
lorsque le chef surgit en nage,
accompagné d’une
délicieuse brune,
nouvelle recrue à notre étage
Elle s’appelle
Lisa et, tel
un brin de soleil sur le givre,
tout le service a
transmuté fissa
sous les rayons de sa joie de vivre.
Deux ou trois jours
ont suffi pour
piquer l’esprit d’équipe en moi :
J’arrive avant l’heure,
tout beau, tout bosseur,
et salue les collègues avec émoi.
Quand Lisa me fait la bise,
tout mon corps s’électrolyse,
je bégaie, je vocalise,
je me méprends, me méprise,
quand
je fais la bise à Lisa,
la banquise se brise à
mes pieds tremblants, je m’enlise
dans des silos d’harissa…
quand Lisa me fait la bise,
nul n’a besoin d’expertise :
je suis ah...
Assis à mon bureau studieux,
fermant les yeux,
je reste des heures interdit
et je m’émerveille
devant l’écran de veille
repassant la scène au ralenti.
Et je n’attends
plus que l’instant
où ses lèvres closes m’injectent
en deux fois ma dose
pour l’apothéose
tandis que Windows se déconnecte.
Quand Lisa me fait la bise,
tous les néons se tamisent,
le décor se vaporise,
j’atterris à Ibiza,
quand je fais la bise à Lisa,
mon cœur s’évangélise à
son contact et subtilise
du paradis le visa.
Moi,
je passerais mes vacances
et tous mes jours fériés à
encourager la croissance
des bises à Lisa.
Quand Lisa me fait la bise,
nul n’a besoin d’expertise :
je suis a-mou-reux.
Assis à mon bureau en vrac
j’avais le trac
lorsque le chef nous fit savoir
que Lisa promue
à l’étage au-dessus
serait remplacée par un certain Gérard…
Quand Gérard me serre la pince,
j’ai la courtoisie qui grince :
c’est un étau ou ma main
se fait cryogéniser
Quand
je serre la main à Gégé,
plus blafard qu’une dragée,
ses ardents postillons rincent
mes ambitions abrégées.
Mon esprit prend l’ascenseur
vers l’étage supérieur
où Lisa délocalise
ses bises.
Mais dans les bureaux du bas,
c’est la crise,
nul n’a besoin d’expertise :
je n’aurai plus jamais droit
à la bise à Lisa,
oh, la bise à Lisa,
ah, la bise à Lisa.
|
||||
12. |
Dans mes mégalos
03:11
|
|||
J’excelle en yoga et en football,
à la batterie comme au piano,
parle couramment russe, espagnol,
anglais, allemand, espéranto...
On pourrait m’envier, me haïr même,
mais, de l’aristocrate au prolo,
le monde est séduit, le monde m’aime
dans mes mégalos.
Il fait bon, il fait chaud,
il fait tout ce qu’il faut,
quand le vrai s’enlace avec le faux
dans mes mégalos.
Malgré ma fortune à toute épreuve,
moi, je vis d’amour et de bons mots,
prodiguant le reste aux bonnes œuvres...
ça m’émeut moi-même tant c’est beau !
Finies les famines et les guerres,
ça y est les humains sont tous égaux,
oui, égaux, affranchis, solidaires,
grâce à mes exploits et mon brio
dans mes mégalos.
Il fait bon, il fait chaud,
il fait tout ce qu’il faut,
quand le vrai s’enlace avec le faux
dans mes mégalos.
Il paraît que le cerveau se fêle
quand l’imaginaire enfle un peu trop,
mais, j’ai beau chasser le surnaturel
il revient de plus belle au galop
dans mes mégalos.
Rêves avortés, fiascos cruels...
le moindre projet qui tombe à l’eau
renaît de ses cendres ou des poubelles
va, cours, vole et me venge illico
dans mes mégalos.
Il fait bon, il fait chaud,
il fait tout ce qu’il faut,
quand le vrai s’enlace avec le faux
dans mes mégalos.
|
||||
13. |
||||
Sur le bout de ma langue, il y a
un gigantesque charabia.
Oh, il y a tant et tant de mots
que ça remplirait trois dicos !
Ils cachent peut-être un secret
comme des diamants dans leur gangue,
mais ils ne le livrent jamais,
les mots sur le bout de ma langue.
Sur le bout de ma langue traînent
des lapsus un peu schizophrènes,
des rejetons de mots croisés,
des mots de passe refusés,
des mots qui se trouvent trop gros,
des incompris et des ingrats
qui veulent tous rester au chaud
sur le bout de ma langue au chat.
Ça bout, ça bout,
ça bout, ça bouchonne...
blottis dans ma bouche
les mots se tamponnent !
Il y en a tant et tant qu’ils tanguent,
tango sur le bout de ma langue.
Sur le bout de ma langue accourent
les bons mots et les calembours,
les molestés et les sumos
quand je deviens un peu lourdaud.
Ah ! Si seulement la censure
était un peu plus aux abois,
ils se tiendraient à carreau sur
le bout de ma langue de bois !
Sur le bout de ma langue gisent
des mots blessés qui cicatrisent,
des mots interdits de séjour,
quelques « je t’aime » et des « toujours »...
En attendant qu’ils soient absous,
je les relègue au frigidaire
à côté des esquimaux sous
le bout de ma langue glaciaire.
Ça bout, ça bout,
ça bout, ça bougonne...
les mots sur la touche
se révolutionnent !
Il y en a tant et tant qu’ils tanguent,
tango sur le bout de ma langue.
Sur le bout de ma langue, affleure
– barbe à papa, sablés au beurre -
un goût d’enfance acidulé
qu’adulte il me faut ravaler.
Bien sûr, ils se font quelques bleus,
mais ils ont récré éternelle
tous ces marmots qui jouent sur le
bout de ma langue maternelle.
Sur le bout de ma langue chante
la mélodie douce et touchante
d’un accent tintinnabulé
au petit « r » si bien roulé.
Lorsqu’une brise nostalgique
vient souffler dans mon soliloque,
ça fait des notes de musique
sur le bout de ma Languedoc.
Ça bout, ça bout,
ça bout, ça bourgeonne...
Qu’es aco boudiou ?
Les mots papillonnent !
Il y en a tant et tant qu’ils tanguent,
tango sur le bout de ma langue.
Sur le bout de ma langue ondoie
ton joli bout de langue à toi
on s'y divulgue des aveux,
des mots doux en langue de feu,
et tous les non-dits alentours
se serrent comme des harangues
aux portes de nos bouches pour
danser sur le bout de nos langues.
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